Analyse d’un Circuit Dérivateur à AOP

Exercice : Montage Dérivateur à AOP

Analyse d'un Circuit Dérivateur à AOP

Contexte : Le montage dérivateurCircuit électronique dont la tension de sortie est proportionnelle à la dérivée temporelle de sa tension d'entrée. à base d'AOP.

Ce circuit est un pilier de l'électronique analogique, utilisé pour le traitement du signal. Théoriquement, sa tension de sortie est la dérivée de la tension d'entrée, multipliée par une constante de temps. Cet exercice explore son comportement face à un signal en rampe, une situation classique pour analyser la réponse en régime transitoire. Nous étudierons d'abord le cas idéal avant d'aborder les limitations pratiques comme la saturationÉtat où la sortie d'un amplificateur ne peut plus augmenter (ou diminuer), atteignant une valeur maximale limitée par ses tensions d'alimentation. et les problèmes de stabilitéCapacité d'un système à retourner à un état d'équilibre après une perturbation. En électronique, l'instabilité se manifeste souvent par des oscillations..

Remarque Pédagogique : Cet exercice vous permettra de consolider vos connaissances sur le fonctionnement de l'AOP en régime linéaire et saturé, de comprendre pourquoi un montage théorique simple peut être instable en pratique, et d'apprendre à le corriger.


Objectifs Pédagogiques

  • Modéliser un circuit dérivateur idéal à base d'AOP.
  • Calculer la réponse du circuit à un signal d'entrée en rampe.
  • Analyser les limitations pratiques (saturation, instabilité) du montage.
  • Proposer et analyser une solution pour stabiliser le circuit.

Données de l'étude

On considère le montage dérivateur ci-dessous. L'Amplificateur Opérationnel (AOP) est supposé idéal dans un premier temps. Il est alimenté par des tensions symétriques \(V_{CC} = +15 \, \text{V}\) et \(V_{EE} = -15 \, \text{V}\). Le signal d'entrée est une rampe de tension définie par \(v_e(t) = \alpha \cdot t \cdot u(t)\), où \(u(t)\) est l'échelon unité.

Schéma du montage dérivateur idéal
- + C v_e(t) v_s(t) R
Nom du Paramètre Symbole Valeur Unité
Résistance de contre-réaction \(R\) 20
Capacité d'entrée \(C\) 1 µF
Pente de la rampe d'entrée \(\alpha\) 1000 V/s
Tension de saturation positive \(+V_{\text{sat}}\) +15 V
Tension de saturation négative \(-V_{\text{sat}}\) -15 V

Questions à traiter

  1. Établir l'équation différentielle liant la tension de sortie \(v_s(t)\) à la tension d'entrée \(v_e(t)\) pour le montage dérivateur idéal.
  2. Déterminer l'expression de la tension de sortie \(v_s(t)\) lorsque le signal d'entrée est la rampe \(v_e(t) = \alpha t \cdot u(t)\).
  3. Calculer la valeur numérique de \(v_s(t)\) pour \(t > 0\). Que constate-t-on par rapport aux tensions d'alimentation ? Conclure sur l'état de l'AOP.
  4. Le montage idéal est instable à haute fréquence. Proposer une modification simple du circuit pour améliorer sa stabilité et dessiner le nouveau schéma.
  5. Pour le circuit stabilisé (en ajoutant une résistance \(R_1 = 1 \, \text{k}\Omega\) en série avec \(C\)), déterminer la nouvelle fonction de transfert \(H(p) = V_s(p) / V_e(p)\).

Les bases sur l'AOP idéal en régime linéaire

Pour analyser ce type de circuit, on s'appuie sur les propriétés fondamentales de l'AOP idéal fonctionnant en régime linéaire (avec une contre-réaction sur l'entrée inverseuse) :

1. Impédance d'entrée infinie
Les courants entrant dans les bornes inverseuse (\(i^-\)) et non-inverseuse (\(i^+\)) sont nuls. \[ i^+ = i^- = 0 \]

2. Gain en boucle ouverte infini
Cela implique que la différence de potentiel entre les deux entrées est nulle : \(v^+ - v^- = 0\). On parle de masse virtuelle si \(v^+=0V\), ou plus généralement d'un régime où les potentiels se suivent : \[ v^+ = v^- \]

Lois des composants passifs :

  • Résistance : La loi d'Ohm \(v(t) = R \cdot i(t)\).
  • Condensateur : La relation courant-tension \(i(t) = C \frac{dv(t)}{dt}\).


Correction : Analyse d'un Circuit Dérivateur à AOP

Question 1 : Établir l'équation différentielle du montage.

Principe

Le concept physique clé est la conservation de la charge électrique au niveau du nœud d'entrée de l'AOP. En appliquant la loi des nœuds de Kirchhoff à ce point précis et en utilisant les caractéristiques de l'AOP idéal, on peut relier les courants du circuit et, par extension, les tensions d'entrée et de sortie.

Mini-Cours

L'entrée non-inverseuse (+) est à la masse (0V). Dans une configuration avec contre-réaction (la sortie est reliée à l'entrée inverseuse), l'AOP idéal force le potentiel de son entrée inverseuse (-) à être égal à celui de son entrée non-inverseuse (+). Ce point est donc une "masse virtuelle" : son potentiel est de 0V, mais il n'est pas physiquement relié à la masse.

Remarque Pédagogique

La méthode la plus fiable pour analyser un circuit à AOP en régime linéaire est toujours la même : 1. Identifier les potentiels aux entrées (+) et (-). 2. Appliquer la loi des nœuds à l'entrée inverseuse. C'est une approche systématique qui évite les erreurs.

Normes

L'analyse de ce circuit ne dépend pas de normes de construction, mais des lois fondamentales de l'électricité : principalement la loi des nœuds de Kirchhoff et les lois de comportement des composants (loi d'Ohm pour la résistance, relation courant-tension pour le condensateur).

Formule(s)

Loi des nœuds

\[ i_C(t) + i_R(t) = i^-(t) \]

Loi des composants

\[ i_C(t) = C \frac{d(v_e(t) - v^-(t))}{dt} \quad ; \quad i_R(t) = \frac{v_s(t) - v^-(t)}{R} \]
Hypothèses

Pour ce calcul, nous posons les hypothèses de l'AOP idéal en régime linéaire :

  • Le courant d'entrée de l'AOP est nul : \(i^- = 0\).
  • La tension différentielle d'entrée est nulle : \(v^+ = v^-\). Comme \(v^+=0\), alors \(v^-\) est une masse virtuelle (\(v^- = 0V\)).
Donnée(s)

Pour cette question purement théorique, les seules données sont les noms symboliques des composants : la résistance \(R\) et la capacité \(C\).

Astuces

Pour tout montage AOP inverseur (signal appliqué à l'entrée (-)), la fonction de transfert est \(H = -Z_{\text{feedback}} / Z_{\text{input}}\). Ici, \(Z_{\text{feedback}}=R\) et \(Z_{\text{input}}=1/(Cp)\). On retrouve le résultat \(v_s/v_e = -RCp\) très rapidement en notation de Laplace.

Schéma (Avant les calculs)
Courants dans le circuit
- + C v_e(t) v_s(t) R i_C i_R
Calcul(s)

Étape 1 : Application de la loi des noeuds

\[ C \frac{d(v_e(t) - 0)}{dt} + \frac{v_s(t) - 0}{R} = 0 \]

Étape 2 : Réarrangement de l'équation

\[ \begin{aligned} C \frac{dv_e(t)}{dt} + \frac{v_s(t)}{R} &= 0 \\ \frac{v_s(t)}{R} &= -C \frac{dv_e(t)}{dt} \\ v_s(t) &= -RC \frac{dv_e(t)}{dt} \end{aligned} \]
Schéma (Après les calculs)
Diagramme fonctionnel
v_e(t) Dérivation d/dt Gain -RC v_s(t)
Réflexions

L'équation finale montre que la tension de sortie est l'image inversée et mise à l'échelle de la vitesse de variation de la tension d'entrée. La "mise à l'échelle" est faite par la constante de temps du circuit \(\tau = RC\). Plus R ou C sont grands, plus la sortie sera ample pour une même vitesse de variation de l'entrée.

Points de vigilance

La principale erreur à éviter est le signe. Le signal d'entrée est appliqué via le condensateur sur la borne inverseuse (-), ce qui entraîne une inversion de phase. La tension de sortie est donc négative pour une dérivée positive et vice-versa.

Points à retenir

Pour un dérivateur idéal :

  • La sortie est la dérivée de l'entrée : \(v_s \propto dv_e/dt\).
  • Le facteur de proportionnalité est la constante de temps \(-RC\).
  • Le montage est inverseur.
Le saviez-vous ?

Cette opération de dérivation mathématique a été rendue possible en électronique analogique bien avant l'avènement des calculateurs numériques. Ces circuits, ainsi que les intégrateurs, étaient les briques de base des "calculateurs analogiques" utilisés des années 1940 aux années 1970 pour résoudre des équations différentielles complexes.

FAQ

Il est normal d'avoir des questions.

Résultat Final
L'équation différentielle qui régit le montage est : \(v_s(t) = -RC \frac{dv_e(t)}{dt}\).
A vous de jouer

Si on inversait la position de la résistance R et du condensateur C, que deviendrait l'équation du circuit ? (Ce montage s'appelle un intégrateur).

Question 2 : Déterminer \(v_s(t)\) pour une entrée en rampe.

Principe

Le concept physique ici est d'appliquer la relation cause-à-effet que nous avons établie. La "cause" est le signal d'entrée \(v_e(t)\), et "l'effet" est la sortie \(v_s(t)\) déterminée par la fonction mathématique du circuit (la dérivation). Nous allons donc simplement appliquer l'opérateur de dérivation au signal d'entrée.

Mini-Cours

Un signal en "rampe" est une fonction linéaire du temps, de la forme \(f(t) = at+b\). Sa caractéristique principale est que sa pente (sa vitesse de variation) est constante. La dérivée d'une fonction linéaire \(f(t)=at+b\) est simplement sa pente, \(f'(t)=a\). Dans notre cas, \(v_e(t)=\alpha t\), la pente est \(\alpha\).

Remarque Pédagogique

C'est un excellent exemple de comment un circuit peut "traduire" une propriété d'un signal (sa pente) en une valeur de tension directement mesurable. Retenez que dériver une rampe donne une constante (un palier ou échelon).

Normes

Aucune norme spécifique ne s'applique ici, il s'agit d'une application directe des règles de dérivation mathématique.

Formule(s)

Équation du circuit

\[ v_s(t) = -RC \frac{dv_e(t)}{dt} \]

Dérivée de la rampe

\[ \text{Pour } v_e(t) = \alpha t \text{, on a } \frac{dv_e(t)}{dt} = \alpha \]
Hypothèses

Nous continuons avec les hypothèses du circuit idéal. Nous considérons le signal pour \(t > 0\), car à \(t=0\), la fonction échelon \(u(t)\) introduit une discontinuité dont la dérivée (une impulsion de Dirac) n'est pas physiquement réalisable.

Donnée(s)

La seule donnée nécessaire pour cette question est l'expression de la tension d'entrée :

  • \(v_e(t) = \alpha t \cdot u(t)\)
Astuces

Visualisez le graphe de \(v_e(t)\) : c'est une ligne droite qui passe par l'origine. Sa pente est constante, donc sa dérivée doit être une constante. Cela permet d'anticiper la forme du résultat avant même le calcul.

Schéma (Avant les calculs)
Signal d'entrée \(v_e(t)\)
tV0Pente = α
Calcul(s)

Étape 1 : Dérivée de l'entrée

\[ \begin{aligned} \frac{dv_e(t)}{dt} &= \frac{d(\alpha t)}{dt} \\ &= \alpha \quad (\text{pour } t > 0) \end{aligned} \]

Étape 2 : Calcul de la sortie

\[ \begin{aligned} v_s(t) &= -RC \left( \frac{dv_e(t)}{dt} \right) \\ &= -RC\alpha \end{aligned} \]
Schéma (Après les calculs)
Signal de sortie \(v_s(t)\)
tV0Valeur = -RCα
Réflexions

Ce résultat est fondamental : un dérivateur transforme une variation linéaire en une valeur constante. Si la rampe était plus rapide ( \(\alpha\) plus grand), la tension de sortie serait plus négative. Si la rampe était descendante (\(\alpha < 0\)), la sortie serait une constante positive.

Points de vigilance

Attention à ne pas oublier le signe négatif. De plus, le résultat n'est valide que pour \(t>0\). À \(t=0\), la dérivée de l'échelon unité est une impulsion théorique qui ne peut être gérée par un circuit réel.

Points à retenir

Dérivateur + Rampe = Constante. La valeur de cette constante est \(-RC\alpha\). C'est une relation cause-à-effet essentielle à mémoriser pour les circuits linéaires.

Le saviez-vous ?

Dans les systèmes de contrôle et d'asservissement, l'action "Dérivée" (action D du régulateur PID) est utilisée pour anticiper le futur. En mesurant la vitesse de variation de l'erreur (sa dérivée), le système peut réagir plus vite et amortir les oscillations, améliorant la stabilité.

FAQ

Questions fréquentes sur ce point :

Résultat Final
Pour une entrée en rampe \(v_e(t) = \alpha t \cdot u(t)\), la tension de sortie idéale est un échelon d'amplitude \(-RC\alpha\) : \(v_s(t) = -RC\alpha \cdot u(t)\).
A vous de jouer

Quelle serait la tension de sortie si le signal d'entrée était une parabole \(v_e(t) = 5t^2\) ? (Considérez R=20kΩ et C=1µF).

Question 3 : Calculer la valeur de \(v_s(t)\) et conclure.

Principe

Le concept ici est de confronter le modèle mathématique idéal à la réalité physique du composant. L'AOP n'est pas une source de tension parfaite ; il ne peut pas fournir une tension de sortie qui dépasse les limites de ses propres tensions d'alimentation. Nous allons calculer la valeur théorique et la comparer à ces limites.

Mini-Cours

Tout AOP possède des tensions de saturation, notées \(+V_{sat}\) et \(-V_{sat}\). Ces tensions sont très proches des tensions d'alimentation, \(V_{CC}\) et \(V_{EE}\). Si le calcul théorique (supposant un régime linéaire) donne une valeur de sortie \(v_{s,ideal}\) telle que \(v_{s,ideal} > +V_{sat}\) ou \(v_{s,ideal} < -V_{sat}\), alors l'hypothèse de fonctionnement linéaire est fausse. L'AOP est en réalité en saturation, et sa sortie est "écrêtée" à \(\pm V_{sat}\).

Remarque Pédagogique

C'est une étape de vérification cruciale en électronique. Ne jamais accepter un résultat numérique sans le critiquer par rapport aux ordres de grandeur et aux limites physiques du système. Un AOP alimenté en \(\pm 15V\) ne sortira JAMAIS du 20V.

Normes

Ce ne sont pas des normes mais des spécifications techniques, que l'on trouve dans la "datasheet" (fiche technique) du composant. Chaque modèle d'AOP (par ex. LM741, TL081) a ses propres valeurs de tensions de saturation.

Formule(s)

Condition de non-saturation

\[ -V_{\text{sat}} \le v_{s,\text{ideal}} \le +V_{\text{sat}} \Rightarrow \text{Régime linéaire} \]

Condition de saturation

\[ \text{Sinon} \Rightarrow \text{Saturation, } v_s = \pm V_{\text{sat}} \]
Hypothèses

On suppose que les tensions de saturation sont égales aux tensions d'alimentation, soit \(\pm 15 \, \text{V}\). En pratique, elles sont légèrement inférieures (ex: \(\pm 13.5 \, \text{V}\)).

Donnée(s)

On utilise les valeurs numériques de l'énoncé :

ParamètreSymboleValeurUnité
Résistance\(R\)\(20 \times 10^3\)\(\Omega\)
Capacité\(C\)\(1 \times 10^{-6}\)F
Pente\(\alpha\)1000V/s
Tensions de saturation\(\pm V_{\text{sat}}\)\(\pm 15\)V
Astuces

Avant de faire le calcul, vérifiez les unités. \(R\) est en k\(\Omega\) et \(C\) en µF. Le produit \(k \times \mu = 10^3 \times 10^{-6} = 10^{-3}\), donc le produit \(RC\) sera en millisecondes. \(20\,\text{k}\Omega \times 1\,\mu\text{F} = 20\,\text{ms}\).

Schéma (Avant les calculs)
Comparaison de la sortie idéale aux limites de saturation
tV0+Vsat (+15V)-Vsat (-15V)Vs ideal = -20V
Calcul(s)

Calcul de la constante de temps RC

\[ \begin{aligned} RC &= (20 \times 10^3 \, \Omega) \times (1 \times 10^{-6} \, \text{F}) \\ &= 0.02 \, \text{s} \end{aligned} \]

Calcul de la tension de sortie idéale

\[ \begin{aligned} v_{s,\text{ideal}} &= -RC\alpha \\ &= -(0.02 \, \text{s}) \times (1000 \, \text{V/s}) \\ &= -20 \, \text{V} \end{aligned} \]

Comparaison à la saturation

\[ -20 \, \text{V} < -V_{\text{sat}} \quad (\text{car } -20 \, \text{V} < -15 \, \text{V}) \]
Réflexions

Le modèle mathématique idéal est invalidé par les limites physiques du composant. Le circuit ne se comporte pas comme un dérivateur linéaire dans ces conditions. Dès l'instant \(t=0^+\), la sortie bascule à -15V et y reste tant que la pente d'entrée est de +1000 V/s. Le circuit agit en fait comme un détecteur de pente : si la pente est suffisante, la sortie sature.

Points de vigilance

L'erreur classique est de donner -20V comme réponse finale, en oubliant la saturation. Une autre est de penser que la saturation n'arrive qu'au bout d'un certain temps. Ici, comme la dérivée est constante dès \(t>0\), la saturation est immédiate.

Points à retenir
  • La sortie d'un AOP est toujours limitée par ses tensions d'alimentation.
  • Il faut systématiquement comparer la tension de sortie calculée en mode idéal aux limites de saturation.
  • La saturation est un fonctionnement non-linéaire.
Le saviez-vous ?

Le comportement de "tout ou rien" de l'AOP en saturation est exploité dans les circuits de comparaison. Un comparateur est essentiellement un AOP sans contre-réaction (ou avec contre-réaction positive) dont la sortie bascule violemment entre \(+V_{sat}\) et \(-V_{sat}\) selon que \(v^+ > v^-\) ou \(v^+ < v^-\). C'est la base de la conversion analogique-numérique.

FAQ

Questions sur ce sujet :

Résultat Final
La tension de sortie théorique est \(v_s = -20 \, \text{V}\). Comme \(-20 \, \text{V} < -V_{\text{sat}} (-15 \, \text{V})\), l'AOP sature instantanément. La tension de sortie réelle est donc \(v_s(t) = -15 \, \text{V}\) pour tout \(t>0\). L'AOP fonctionne en régime de saturation.
A vous de jouer

Avec les mêmes R et C, quelle est la pente maximale \(\alpha\) (en V/s) que l'on peut appliquer en entrée sans que l'AOP ne sature ?

Question 4 : Proposer une modification pour stabiliser le circuit.

Principe

Le gain du dérivateur idéal (\(|H(j\omega)| = \omega RC\)) augmente linéairement avec la fréquence. Cela le rend très sensible aux bruits haute fréquence et peut le rendre instable. Pour le stabiliser, il faut limiter son gain à haute fréquence. La solution la plus simple est d'ajouter une résistance qui "prendra le dessus" sur le condensateur à haute fréquence.

Mini-Cours

En analyse fréquentielle, l'impédance d'un condensateur est \(Z_C = 1/(j\omega C)\). À haute fréquence (\(\omega \to \infty\)), son impédance tend vers zéro. Le gain \(|v_s/v_e| = |Z_R/Z_C| = \omega RC\) tend vers l'infini. En ajoutant une résistance \(R_1\) en série avec \(C\), l'impédance d'entrée devient \(Z_i = R_1 + 1/(j\omega C)\). À haute fréquence, \(Z_i \approx R_1\), et le gain est alors limité à \(|-R/R_1|\).

Schéma
Schéma du montage dérivateur stabilisé
- + R₁ C v_e(t) v_s(t) R
Réflexions

Cette modification simple est un compromis. Le circuit n'est plus un "dérivateur parfait" sur toute la bande de fréquence, mais il devient stable et utilisable en pratique. En limitant le gain aux hautes fréquences, on s'assure que le bruit électronique (inévitable dans tout système et souvent à haute fréquence) ne sera pas amplifié à l'infini, ce qui prévient les oscillations et un comportement erratique.

Points de vigilance

Le choix de \(R_1\) est crucial. Si \(R_1\) est trop grand, la fréquence de coupure \(f_c = 1/(2\pi R_1 C)\) sera trop basse, et le circuit cessera de se comporter en dérivateur pour des fréquences utiles du signal. S'il est trop petit, son effet stabilisateur sera insuffisant. En général, on choisit \(R_1\) de sorte que la fréquence de coupure soit environ 10 fois supérieure à la fréquence maximale du signal à dériver.

Résultat Final
La solution pour stabiliser le montage dérivateur est d'ajouter une résistance \(R_1\) en série avec le condensateur \(C\).

Question 5 : Déterminer la nouvelle fonction de transfert \(H(p)\).

Principe

Pour analyser le comportement fréquentiel du circuit, il est plus simple de passer dans le domaine de Laplace. On remplace chaque composant par son impédance complexe \(Z(p)\) et on applique la formule de gain du montage inverseur, qui devient une simple fraction algébrique.

Mini-Cours

La transformée de Laplace est un outil mathématique qui transforme les équations différentielles (dans le domaine temporel) en équations algébriques (dans le domaine fréquentiel ou "complexe"). La dérivation \(d/dt\) devient une multiplication par la variable de Laplace \(p\). L'impédance d'un condensateur C devient \(Z_C(p) = 1/(Cp)\) et celle d'une résistance R reste \(R\).

Remarque Pédagogique

Pensez aux impédances comme des "résistances généralisées" qui dépendent de la fréquence. Le calcul de la fonction de transfert se ramène alors à un simple calcul de pont diviseur ou, comme ici, à l'application de la formule \(H(p) = -Z_f(p)/Z_i(p)\).

Normes

Ceci relève des méthodes standards d'analyse des circuits linéaires, invariables dans le temps (LTI systems).

Formule(s)

Impédances complexes

\[ Z_C(p) = \frac{1}{Cp} \quad ; \quad Z_{R1}(p) = R_1 \quad ; \quad Z_R(p) = R \]

Impédances du montage

\[ Z_i(p) = Z_{R1}(p) + Z_C(p) \quad ; \quad Z_f(p) = R \]
Hypothèses

L'AOP est considéré comme idéal. Le circuit est analysé en régime linéaire pour déterminer sa fonction de transfert.

Donnée(s)

Les données sont les impédances symboliques des composants du circuit modifié : \(R, C, R_1\).

Astuces

Lors du calcul de \(-Z_f/Z_i\), pour éviter les erreurs avec les fractions complexes, commencez par mettre \(Z_i\) sur un dénominateur commun, puis calculez l'inverse avant de multiplier par \(Z_f\).

Schéma (Avant les calculs)
Circuit en domaine de Laplace
- + Z_i(p) V_e(p) V_s(p) Z_f(p)
Calcul(s)

Étape 1 : Calcul de l'impédance d'entrée \(Z_i(p)\)

\[ \begin{aligned} Z_i(p) &= R_1 + \frac{1}{Cp} \\ &= \frac{R_1Cp + 1}{Cp} \end{aligned} \]

Étape 2 : Calcul de la fonction de transfert \(H(p)\)

\[ \begin{aligned} H(p) &= -\frac{Z_f(p)}{Z_i(p)} \\ &= -\frac{R}{\frac{R_1Cp + 1}{Cp}} \\ &= -R \cdot \frac{Cp}{1 + R_1Cp} \\ &= - \frac{RCp}{1 + R_1Cp} \end{aligned} \]
Schéma (Après les calculs)
Diagramme de Bode (Gain) du dérivateur stabilisé
ω (log)GdBωc = 1/R₁CGmax = 20log(R/R₁)+20 dB/décade
Réflexions

L'ajout de \(R_1\) a transformé un dérivateur pur (instable) en un système qui se comporte comme un dérivateur pour les basses fréquences et comme un simple amplificateur inverseur pour les hautes fréquences. Le gain est maintenant borné, ce qui garantit la stabilité du circuit en limitant l'amplification du bruit haute fréquence.

Points de vigilance

Faites attention à bien identifier la pulsation de coupure. Elle est définie par le pôle du dénominateur : \(1+R_1Cp = 0 \Rightarrow p = -1/(R_1C)\). La pulsation de coupure est donc \(\omega_c = 1/(R_1C)\). C'est la résistance \(R_1\) qui définit cette coupure, pas \(R\).

Points à retenir

La fonction de transfert d'un dérivateur pratique est \(H(p) = - \frac{RCp}{1 + R_1Cp}\).

  • Il agit en dérivateur pour \(\omega \ll 1/(R_1C)\).
  • Il agit en amplificateur pour \(\omega \gg 1/(R_1C)\).
Le saviez-vous ?

Cette technique consistant à ajouter un pôle (le terme en \(1+R_1Cp\)) pour compenser un zéro (le terme en \(p\) qui monte à l'infini) est une méthode fondamentale en automatique et en traitement du signal, appelée "compensation avance-retard", utilisée pour stabiliser toutes sortes de systèmes, des circuits électroniques aux bras de robots.

FAQ

Question sur ce sujet :

Résultat Final
La fonction de transfert du circuit stabilisé est : \(H(p) = - \frac{RCp}{1 + R_1Cp}\).
A vous de jouer

Pour le circuit stabilisé, on ajoute souvent un petit condensateur \(C_f\) en parallèle avec R pour filtrer encore plus le bruit. Quelle serait la nouvelle fonction de transfert ?


Outil Interactif : Simulateur de Dérivateur

Utilisez les curseurs pour modifier les paramètres du circuit et de la rampe d'entrée. Observez en temps réel l'impact sur la tension de sortie et le moment de saturation.

Paramètres d'Entrée
20 kΩ
1.0 µF
1000 V/s
Résultats Clés
Tension de sortie idéale (\(V_{s, ideal}\)) - V
Tension de sortie réelle (\(V_{s, reel}\)) - V
État de l'AOP -

Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Quelle est la fonction principale d'un montage dérivateur idéal ?

2. Si un signal en rampe \(v_e(t) = \alpha t\) est appliqué à un dérivateur idéal, quelle est la forme de la tension de sortie \(v_s(t)\) ?

3. Pourquoi un montage dérivateur pratique est-il souvent instable ?

4. Comment peut-on améliorer la stabilité d'un montage dérivateur ?

5. Si la sortie calculée d'un circuit est de +18V mais que l'AOP est alimenté en \(\pm 15V\), que sera la sortie réelle ?


Glossaire

Amplificateur Opérationnel (AOP)
Composant actif à gain très élevé, doté de deux entrées (inverseuse et non-inverseuse) et une sortie. C'est un élément de base dans de nombreux circuits analogiques.
Régime transitoire
Période durant laquelle un circuit réagit à un changement de ses entrées, avant d'atteindre un état stable (régime permanent).
Saturation
État dans lequel la sortie d'un AOP atteint sa valeur maximale ou minimale, limitée par ses tensions d'alimentation. L'AOP ne fonctionne plus en régime linéaire.
Fonction de Transfert
Relation mathématique (souvent dans le domaine de Laplace, sous la forme \(H(p) = V_s(p) / V_e(p)\)) entre la sortie et l'entrée d'un système. Elle caractérise le comportement du système pour n'importe quel signal d'entrée.
Exercice : Analyse d'un Circuit Dérivateur à AOP

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